DOSSIER:
«L'ABUS SEXUEL»:
Recension des écrits par Stéphane Vincelette, UQTR, 24 mars 1997. Dans le cadre du cours EFI-1057, présenté à M. Gaétan Gagnon |
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de l'intervention et de l'animation vu sous l'angle de la
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RECENSION
DES ÉCRITS
INTRODUCTION: Lors de la première partie de ce travail, présenté précédemment, nous avions dressé un tableau du sujet à partir des éléments de vie connus sur celui-ci, classés en relation avec les cinq domaines de description de la personne. À la lecture de ce bilan, certaines problématiques ont semblé ressurgir. La présente partie du travail a pour but de présenter une recension des écrits afin de nous aider à mieux comprendre le sujet. La problématique choisie, suite à cette lecture, en est une d'adolescent abuseur sexuel puisqu'elle apparaît comme étant la plus significative. NOTE: Ce document fait parti d'un travail universitaire, pour des raisons de confidentialité, nous ne publions ici que la recension des écrits. La faible quantité de documentation concernant l'adolescent abuseur nous a amené à consulter des écrits plus spécifiquement reliés à la victime d'abus sexuel. De plus, il nous semblait important de mettre en lumière, la dynamique de l'enfant abusé sexuellement et les conséquences de l'abus sur celui-ci, et ce, dans le but bien défini de mieux comprendre et analyser, dans une partie subséquente, le comportement du sujet. En premier lieu, nous identifierons les principales caractéristiques de cette clientèle en utilisant les cinq domaines précédemment utilisés lors du bilan. Pour certains auteurs, suivra une identification du cadre de référence utilisé par ceux-ci, de même que les instruments de collecte de données et/ou les méthodes d'analyse de données suggérées par ces auteurs. Suivra, enfin, une identification et une brève description des principes et/ou ressources d'intervention suggérée par ces mêmes auteurs. PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DE L'ENFANT ABUSÉ: De leur côté, Damant (1993) et Pauzé, Mercier et al.(1994) cite la dynamique traumatisante des abus sexuels en se référant à Finkelhor et Browne (1985: voir Damant, 1993) qui en citent quatre. Ce serait une expérience traumatisante modifiant la perception cognitive ou émotive faussant par la suite, le concept de soi de l'enfant, sa vision du monde et ses capacités affectives. On retrouve en premier, la sexualisation traumatisante. Celle-ci s'expliquerait par la participation de l'enfant à des activités sexuelles non-conformes à son stade de développement et s'inscrivant dans un cadre où la sexualité ne devrait pas s'actualiser (rapport de dépendance face à l'adulte). De plus, un enfant se sentant plus engagé dans cette relation sexualisée et ressentant des sensations physiques pourrait développer un sentiment de confusion et de culpabilité. Haesevoets (1996) vient corroborer ce sentiment de culpabilité suite au plaisir ressenti. S'il existe des bénéfices secondaires, cela pourrait amener l'enfant à utiliser ses comportements comme stratégie de manipulation pour répondre à ses besoins. Les conséquences au niveau affectif pourraient être les suivantes: préoccupations sexuelles inappropriées pour leur âge et des comportements sexuels compulsifs, de même que de la curiosité sexuelle excessive, voire même compulsive. Au niveau cognitif, le concept de soi peut être affecté par cette confusion. En deuxième lieu, on découvre la stigmatisation. Elle est une cicatrice d'une blessure au niveau émotif. C'est un mécanisme transmettant à l'enfant des messages négatifs à son égard, modifiant, du même coup, son image de soi. La pression de l'abuseur pour imposer le silence à l'enfant, la réaction de l'entourage, de même que la connaissance, par l'enfant, des tabous sociaux peuvent entraîner un sentiment de honte et de culpabilité. Pauzé, Mercier et al.(1994) tiennent un langage similaire dans leur ouvrage. Au niveau des conséquences affectives, l'enfant se sent méchant, honteux, coupable et cela entraîne des sentiments dépressifs. De Young (1982: voir Damant, 1993) indique que le jeune peut adopter des comportements suicidaires. Au niveau social, il peut s'associer avec des pairs marginaux ou encore s'isoler des pairs. Selon Finkelhor (1979: voir Damant, 1993), les familles où se produisent des abus sexuels, sont souvent isolées socialement, donc le jeune a tendance à s'isoler encore plus. Langevin et Lindsay notent à peu de choses près, la même tendance au niveau de l'abuseur. On mentionne de plus, une mauvaise estime de soi (dévastatrice, tant sur le développement de la personne que sur ses capacités personnelles et interpersonnelles). En troisième lieu, on retrouve la trahison. C'est le processus par lequel une personne dont dépend la victime, lui cause du tord (Finkelhor et Browne (1985: voir Damant, 1993)). Plus l'enfant a un rapport de confiance avec l'abuseur, plus ce sera traumatisant pour lui. Ce processus peut s'adresser autant à l'abuseur qu'envers les membres de la famille qui n'ont pu empêcher l'abus ou qui ne l'ont pas cru. Comme conséquences émotives et sociales, on identifiera un besoin de retrouver la confiance et la sécurité perdues ce qui amène parfois l'enfant à démontrer des comportements de dépendance excessive (Finkelhor (1986: voir Damant, 1993)). La victime peut également développer des comportements d'hostilité, de colère et d'isolement. Selon Meiselman (1978: voir Damant, 1993) et Russell (1986: voir Damant, 1993), la victime continue d'éprouver des sentiments négatifs à l'égard de sa mère, de l'abuseur et vit des sentiments de peur, de colère ou de méfiance à l'égard des hommes. Pauzé, Mercier et al. (1994) ont pu le constater également. En quatrième lieu, on retrouve l'impuissance. Elle est la conséquence du processus par lequel la volonté, les désirs et le sens d'efficacité de l'enfant sont transgressés. Plus l'enfant tente de contrer l'abus sans succès ou encore que l'abus implique de la violence physique ou des menaces de violence, plus ce sentiment d'impuissance augmente. Anderson et al (1981: voir Damant, 1993) ont décelé des séquelles psychosociales intériorisées telles, des problèmes de sommeil et d'alimentation, peurs et phobies, dépression et des séquelles extériorisées telles, problèmes scolaires et fugues. Quant à Edwards et Donaldson (1989: voir Damant, 1993), Briere (1989: voir Damant 1993) et Courtois (1989: voir Damant, 1993), ils identifient également des symptômes comme la peur, problèmes d'évitement et de dissociation. Cette dernière n'est pas une faiblesse, mais bien, un mécanisme de défense. Cependant, à l'adolescence ou à l'âge adulte, la victime risque de généraliser ce moyen de défense lors d'événements anxiogènes (Pauzé, Mercier et al. (1994)). Haesevoets (1996) dans son essai de conceptualisation clinique sur les symptômes de l'enfant victime d'inceste nous éclaire sur les conséquences de l'abus sexuel de l'enfant. Selon lui, à partir du moment où un enfant est abusé sur le plan sexuel à l'intérieur de sa famille par un proche parent, il est susceptible d'être confronté aux phénomènes psycho-dynamiques suivants: Au niveau affectif: - une intrusion physique et sexuelle qui génère des blessures symboliques; - des sentiments de culpabilité qui entretiennent le processus de victimisation; - des sentiments de peur qui s'expriment à travers la terreur, l'angoisse et les cauchemars; - une dépression, révélatrice d'une souffrance aiguë; - un manque d'estime de soi qui induit la perte de l'amour-propre; - des sentiments de colère et d'hostilité qui se retournent parfois contre soi; - l'incapacité de faire confiance; Au niveau socio-affectif: - une pseudo maturité qui produit un discours adultoïde et une parentification du comportement. - une sexualisation précoce (traumatique) qui induit des conduites sexuelles inappropriées; - la reproduction des attitudes abusives sur la génération suivante. - des troubles relationnels qui entraînent des problèmes de sociabilité; Au niveau cognitivo-affectif: - une confusion psychique intimement liée à l'inversion des rôles générationnels; - un trouble de l'identité, avec clivage du moi; - un blocage des processus psychiques qui viennent enrayer la pensée et le raisonnement; - une absence de limites entre le corps et les territoires; - des mécanismes d'identification à l'abuseur par introjection; De plus, l'auteur mentionne que l'évaluation de l'impact de l'abus sexuel sur l'enfant doit tenir compte des critères suivants: - sa biographie personnelle; - son âge réel et son degré de maturité psychoaffective; - son écologie évolutive normale, son bagage personnel, sa "richesse intérieure"; Au niveau social: - ses interactions sociales; Au niveau cognitivo-affectif: - son degré de vulnérabilité; - son rôle dans l'interaction abusive; Au niveau environnemental: - place, rôle et statut au sein de sa famille; Au niveau cognitif: - sa conscience du monde et de lui-même; - son niveau de mentalisation; Au niveau affectif: - son niveau de maîtrise de soi; - ses sentiments, émotions, réactions et attitudes; - ses potentialités réparatrices. Haesevoets (1996) nous renseigne également sur l'impact visible de l'abus sur le comportement de l'enfant abusé. Chez les très jeunes enfants: - Surtout des troubles comportementaux et des conduites sexuelles anormales (socio-affectif). Chez les enfants d'âge préscolaire: - des cauchemars, de l'angoisse, des signes dépressifs, quelques préoccupations d'ordre somatique, des conduites régressives, des troubles de la conduite sexuelle, de l'agressivité labile, des déficits du développement (affectif). Chez les enfants d'âge scolaire: - signes de dépression, des angoisses phobiques, des sentiments de manque de confiance, de dégoût, de colère et de haine, des traits de parentification, une faible estime de soi, des problèmes narcissiques ou d'identité, des phobies, des sentiments profonds de culpabilité, l'impression d'être différent des autres, des troubles du sommeil (affectif). Chez les jeunes adolescents: - Les troubles sont plus incrustés - signes majeurs de dépression, une image de soi dévalorisée, des troubles identitaires, des blocages émotionnels importants, des conduites asociales et autodestructrices, la détresse psychologique est souvent accompagnée d'idées mortifères, d'idéation suicidaire, de passage à l'acte, des troubles de la sexualité (affectif). La violence ou/et la coercition, la durée et la fréquence de l'abus, la nature de l'acte sexuel, la proximité relationnelle avec l'abuseur et les attitudes du parent non-abuseur ont un impact déterminant sur la sévérité de l'abus et sa symptômatologie. Pauzé, Mercier et al.(1994) ajoutent que le sexe de la victime et de l'agresseur, l'âge de l'assaillant ont également leur incidence. Le syndrôme d'accommodation lui permet de trouver un compromis psychodynamique entre sa situation d'otage familial et celle d'esclave sexuel(le). Pauzé, Mercier et al. décrivent ce cycle de la façon suivante: le secret, l'impuissance, le sentiment d'être pris au piège et l'accommodation, la divulgation contradictoire (non convaincante), et la rétractation. Plusieurs facteurs peuvent conduire un enfant à participer à une interaction sexuelle avec un adulte: le manque de maturité, d'expérience, la curiosité sexuelle infantile, la naïveté, la séduction, la recherche de privilèges, le désir de contacts physiques, la confiance aveugle, l'attirance naturelle envers un adulte distributeur de caresses. Finkelhor et Browne (1985: voir Haesevoets, 1996) rapportent que les facteurs traumatogènes "altèrent les perceptions et les émotions concernant l'environnement et créent un traumatisme par distorsion de l'image propre qu'a l'enfant de lui-même, de sa vision du monde et de ses capacités affectives". De son côté, Foucault (1990), nous offre une série de symptômes pouvant témoigner d'un abus sexuel chez un enfant. Au niveau affectif: l'agressivité flottante (sautes d'humeur soudaines et imprévisibles et surtout les manifestations d'agressivité disproportionnées témoignent de tension intérieure dont l'enfant ne parvient pas à se libérer), les sentiments de culpabilité ou de dévalorisation ( il éclate en sanglot ou il surréagit à la suite d'une simple remarque), l'oscillation constante (ne semble plus savoir comment réagir, le jeune abusé fait souvent peur par l'extrémisme et l'incohérence de ses réactions émotives), la loi du tout ou rien (incapable de nuancer, inconscient de la gravité de ses gestes, ou au contraire, facilement dévalorisé par des gestes bénins posés à son endroit), le comportement sexuel anormal "indice capitale" ( masturbation, fellation, tente sans retenue de caresser, de toucher les organes génitaux), l'auto-agression, maturité surfaite. Au niveau social: l'isolement et la fugue. LES PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DE L'ADOLESCENT ABUSEUR SEXUEL Langevin et Lindsay (1993) expliquent le comportement de l'adolescent abuseur à partir des caractéristiques du jeune en difficulté d'adaptation. Ils le décrivent comme ayant, au niveau affectif, une détérioration des liens affectifs et du tissu relationnel. Ils notent également une solitude affective, de l'agressivité et de l'impulsivité. En plus, on retrouverait des troubles de comportements et le gang d'amis aurait une importance démesurée. Au niveau environnemental, ils en arrivent au tableau suivant. La mère serait chef de famille dans 40% des cas, et un ou plusieurs problèmes familiaux, tels la toxicomanie, la violence, une mauvaise communication, de l'alcoolisme et une interaction négative et coercitive, seraient présents. De plus, ils mentionnent l'incidence d'un milieu défavorisé où le taux de chômage et l'aide social est élevé. Les parents seraient peu scolarisés, il y aurait une valorisation des pratiques éducatives inadéquates et ces familles vivraient une isolation sociale. Forget(1990: voir Langevin et Lindsay, 1993) décrit quelques caractéristiques de la sexualité de ces adolescents. Au niveau affectif, elle identifie la précocité d'agir, une compulsivité de l'agir par la recherche d'excitation, de plaisirs ou en vue de gains matériels rapides ou pour combler des manques affectifs inassouvissables. De plus, l'auteure note une tendance de fuite dans l'agir au gré des influences internes (pulsions) et des influences externes (situationnelles et relationnelles). Elle précise également qu'ils vivent une grande confusion dans les émotions et dans les perceptions. De plus, il y a un risque pour le jeune de se définir à partir de ses expériences ou de s'ancrer dans ce qu'il connaît ou ce qu'il maîtrise. Ce qui voudrait dire qu'un jeune ayant été abusé pourrait s'identifier à l'abuseur et le devenir à son tour ou encore, intérioriser le fait d'avoir été victime et risquer de le rester. Selon Van Gijseghem (1988), l'acte sexuel serait, chez l'abuseur sexuel, une propension généralisée à l'agir plus ou moins anarchique. Donc, l'agir sexuel ne serait pas déterminé par la fantaisie sexuelle mais un exutoire, parmi d'autres. LA NOSOLOGIE DE VAN GIJSEGHEM (1988): A) La carence affective ou relationnelle: Dû à un manque flagrant, en bas âge, de stabilité et de continuité dans le contact avec la figure maternante. Ce manque de stabilité fait que l'enfant ne réussit pas à identifier comme source de satisfaction un ensemble de stimuli stable susceptible de devenir un "objet" aimé et aimant réel. C'est souvent rencontré chez les enfants institutionnalisés ou ballotés d'un milieu dit familial à l'autre dans les trois premières années de vie. Il dirige une immense avidité orale de façon chaotique, en ce sens, qu'il n'est pas sélectif en regard de l'objet. La recherche de contact est donc fébrile et colorée par une grande urgence, quoique vide d'un état émotif ou relationnel réel. Sa durée demeure éphémère, que le temps d'une satisfaction. On retrouve deux types de carencés: le passif-dépendant et l'agressif-dévorant. Le passif-dépendant: Van Gijseghem explique que le passif-dépendant est soumis, son désir de plaire, de rencontrer les attentes et de dire "comme" est frappant. Il semble y avoir une absence d'agressivité ou de revendication apparente. Il se dit démuni et "innocent", être un pauvre type. La mentalisation est pauvre et frappe par son extrême naïveté. L'abus du carencé passif-dépendant pourra être, soit extra ou intra-familial (inceste). S'il s'agit d'un abus extra-familial, on parle alors d'une forme de "touch and run". Le sexe de l'abusé n'importera peu (garçon ou fille), il choisira un enfant puisque plus facile à approcher et davantage à la hauteur de sa propre sexualité infantile. L'abus consistera par des frottages, touchers, de la masturbation, fellation, etc.. Le sens donné à l'abus est "incorporatif", il "suce" avidement et naïvement un peu de contacts dans le but de calmer sa sensation de vide. Il serait prêt à tout pour un peu de sentiment d'appartenance. Il reste sensible à la désaprobation sociale des ses gestes. Comme autres formes d'agir, on retrouve des chèques sans provisions et petits vols insensés dus à son impossibilité de soutenir un délai. La carence agressive-dévorante: Selon l'auteur, celui-ci a mobilisé son agressivité dans un but, semble-t-il, de se gratifier mais aussi de punir le "sein" qui n'est jamais gratifiant. Il se distingue, déjà dans l'enfance, par son agressivité, son apparent besoin de faire souffrir et son "accusation" face à la société, souvent non-verbalisée. Il y aurait, ici, une forme d'identification à l'agresseur. Les abandons seraient vus comme une agression, il agresse donc les agents d'agression. La revendication est omniprésente, tout lui est dû et ce qu'on ne lui donne pas, il le prendra sans égards aux conséquences pour autrui. L'abus sera semblable au carencé passif-dépendant avec, en plus, beaucoup plus d'agressivité et sans malaise face aux gestes posés. Il imposera quelquefois sadiquement sa loi sexuelle sur tous ses sujets. Il sera craint par l'abusé. Le sens de l'abus sera également de faire taire sa sensation de vide mais en plus, il semble se faire justice en se donnant le droit d'agresser et de briser. Comme autres types d'agir, on retrouve en plus de ceux mentionnés pour le passif-dépendant, une forme d'exploitation, autant envers les individus qu'envers les institutions. B) La psychose, la prépsychose, l'état limite: On retrouve de façon générale les éléments suivant: manifestation de l'angoisse de morcellement, une certaine dépersonnalisation, un faible contact avec la réalité (temps, espace, causalité), une préoccupation existentielle (qui suis-je?), une négligence corporelle, des émotions incohérentes ou impertinentes, des sensations ou perceptions hypocondriaques et autres distorsions corporelles, une très grande difficulté d'engagement et d'attachement se soldant par une instabilité souvent extrême. L'auteur explique que la nature de l'abus devra répondre à une sorte de prolongement de soi. L'inceste ou l'agression idéologique (rites sexuels, initiation) en sont des exemples. La victime, endoctrinée, aura de la difficulté à échapper à son influence. Même si l'agression demeure inspirée par un délire, il a pour but d'apaiser l'angoisse de morcellement et de consolider le contact précaire avec la réalité. S'il y a d'autres formes d'agirs, on retrouvera peu de délinquance et ces agirs auront la même signification que les agirs sexuels. Le psychotique n'est pas l'abuseur typique. Il semblerait que deux conditions doivent être réunies. Il doit avoir été victime d'un abus et que la sexualité soit un de ses mécanismes restitutionnels. C) La pathologie narcissique (trois types: la structure perverse, la psychopathie, la paranoïa) La structure perverse: Il est absent d'angoisse et de culpabilité, il se définit comme un "gentil monsieur", il est charmeur. Au niveau de l'abus, il sera donc un séducteur et utilisera rarement la violence pour arriver à ses fins (prudent et patient). La tendresse et l'influence bienveillante fait partie de son arsenal. Il jettera son dévolu soit sur un sexe (prépubère), soit sur l'autre, rarement sur les deux. Le sens à donner à l'abus pourrait être qu'un enfant prépubère lui permet de nier la différence entre les sexes. Les réseaux organisés de prostitution et l'utilisation de l'enfant à des fins de matériel pornographique et l'abus de drogue et d'alcool seraient d'autres formes d'agir pour le pervers. La psychopathie: Van Gijseghem nous mentionne que cet individu recherche continuellement des sources d'excitation, le délai ne lui est pas possible et celui-ci provoque la frustration. Il est géré par la règle du tout ou rien (tout va bien ou tout va mal). L'autre lui sert d'outil et il ne se formalise pas de l'effet condamnable de ses actes. Ses problèmes sont externes et non interne et a de bonnes excuses pour les justifier. La nature de ses abus est diversifiée et il prendra ce qui passe. Le sens à donner à ses actes peut être également large. De la satisfaction sexuelle à l'affirmation de son pouvoir, en passant par le gain monétaire ou matériel et même jusqu'à l'élimination d'un témoin gênant. Il va droit au but s'en s'enfarger dans la séduction. La paranoïa: Ce type se définit comme méfiant, la projection est omniprésente, il argumente sans fin, la moralisation, l'indignation et les constructions idéationnelles sont courantes. L'abus sexuel se passera surtout en famille et peut se porter autant sur les deux sexes. L'agir-compromets demeure le sens à donner à ses abus, pour fuir sa réalité homosexuelle, il utilisera l'inceste. L'agression physique sera son autre forme d'agir envers le "persécuteur". D) Le registre névrotique: Ici, on retrouve un sentiment de culpabilité. L'abus sera rare et dans la plupart des cas, non-destructeurs, fortuit et non-récurrent. S'il est plus grave, on l'attribut à un sentiment suicidaire. L'abus servira de valve de sûreté à un stress intense et est fréquemment relié à un abus d'alcool. Il aurait bien pu agir de façon délinquante. Comme la majorité des névrotiques n'arrive pas à un abus en période de grand stress, les auteurs croient fermement que l'abuseur aurait subi lui-même un abus dans son enfance. E) Les troubles organiques et la déficience mentale: La nature de l'abus peut être diverse et la possibilité de violence existe. Pour les troubles organiques, les auteurs mentionnent qu'il peut s'agir d'une surstimulation ou encore d'une désinhibition des contrôles corticaux. Dans le cas de la déficience mentale, en plus de ce qui vient d'être mentionné, le déficit d'apprentissage social et moral pourrait expliquer l'abus. La victime sera choisie en fonction de sa disponibilité lors de l'impulsion de l'abuseur, ou encore, l'impulsion viendrait en fonction de la disponibilité d'une victime. Laforest et Paradis (1990) citent à propos des adolescents abuseurs sexuels: "Nous avons réalisé qu'il s'agissait d'adolescents qui n'ont souvent pas rencontré dans leur milieu d'origine les conditions nécessaires au développement harmonieux de leur personnalité, ni à celui de leur capacité d'échange avec l'autre, qu'il soit affectif ou sexuel.". À l'adolescence, le développement psychosexuel de l'individu est marqué par quatre facteurs importants. Lafortune (1987: voir Laforest et Paradis, 1990) - la puberté entraîne un bouleversement de l'image du corps; - la vie affective devient plus intense; - l'action prévaut sur l'expression verbale; - le jugement moral est à se consolider. À cette étape l'individu peut présenter une conduite abusive qualifiée "d'accidentelle". Il peut s'agir d'une conduite d'exploration, d'un surplus d'énergie mal canalisée qui n'indique pas nécessairement une déviation. Cependant, ce comportement sexuel non adapté peut également traduire l'intégration par l'adolescent de valeurs familiales et sociales faussées, dans lesquelles la notion d'interdit n'a pas sa place, ou bien la présence chez lui d'un sens moral déficient où les notions de bien et de mal se confondent, ou enfin le cumul de déficits, au plan personnel, familial et social. Le sens d'une conduite sexuelle repose sur la perception qu'a l'individu de lui-même et des autres. Un individu qui a développé une perception de soi si négative et une crainte de l'autre si forte qu'il est incapable d'échanges (affectifs et sexuels) dans une rencontre égalitaire avec l'autre. Dans un résumé des conférences de Bill Marshall, Cyril Touchette rapporte en 1988 les besoins qui peuvent supporter la conduite sexuelle abusive: - recherche de gratification physique; - réassurance de l'identité masculine; - réconfort contre des tendances dépressives; - réduction de l'anxiété; - confirmation de l'amour d'un partenaire; - atténuation de la souffrance d'un manque d'intimité relationnelle. DIFFÉRENTS TYPES DE DÉLITS SEXUELS COMMIS PAR LES ADOLESCENTS (Laforest et Paradis, 1990): - Les agressions sexuelles hétéro ou homosexuelles envers les enfants. Elles se traduisent soit par la manipulation ou la demande de manipulation des organes génitaux, soit par la pénétration vaginale ou anale. - L'inceste est aussi une forme de délinquance sexuelle commise par ces adolescents. Il s'agit ici des contacts sexuels entre les membres d'une même famille, principalement entre frère et soeur. - La déviance sexuelle de nos adolescents s'exprime aussi par le viol, défini comme un contact sexuel non désiré par l'autre, réalisé avec contrainte ou violence. - L'exhibitionnisme est une autre forme de déviation rencontrée. Il s'agit d'une pratique, masculine et hétérosexuelle, d'exposition volontaire des organes génitaux. PORTRAIT DE L'ADOLESCENT ABUSEUR référé au Centre de services sociaux de Québec en 1986 et en 1988: - De sexe masculin à 97%, il a un âge moyen de 15 ans. - Les victimes sont majoritairement de sexe féminin et l'écart d'âge entre la victime et l'abuseur varie entre 6 et 12 ans. - Dans 93% des cas, il existe un lien significatif entre l'abuseur et la victime: liens familiaux, voisinage, etc. - Les abus commis sont surtout des gestes d'attouchement, de masturbation et de fellation. Les agressions sexuelles (avec violence) constituent une faible partie des références. - 50% des abuseurs ont eux-mêmes été abusés. - Au plan social, les adolescents fréquentent l'école, mais ont peu ou pas d'amis. - Au plan psychologique, les adolescents présentent une faible estime et une image négative d'eux-mêmes. Ils vivent de fortes tensions internes, ne trouvent pas de réponses satisfaisantes à leurs besoins. Leur agressivité est faible, on constate plutôt une grande difficulté d'affirmation. Il y a aussi une forte inhibition des sentiments et des pulsions, une crainte interpersonnelles et donc une grande solitude affective. - L'anxiété est élevée, mais n'est pas liée aux gestes commis. Ils ont plutôt une attitude défensive, recourant à la normalisation et à la banalisation. Caractéristiques communes: bloquages cognitifs se traduisant par des difficultés d'apprentissage, faiblesse de l'affirmation de soi entraînant une vulnérabilité sociale, méconnaissance sexuelle importante, forte inhibition, faible capacité relationnelle observable, entre autres, par leur isolement social. Selon Pauzé, Mercier et al.(1994), les actes jugés mineurs tels que le voyeurisme, l'exhibitionnisme ou les appels obscènes lorsque répétitifs et teinté d'agressivité sont un signal d'alarme. Une étude de Margolin et Craft (1990: voir Pauzé, Mercier et al., 1994) indique que les adolescents en situation de gardiennage sont souvent plus agressifs et plus violents (menace et blessures physiques) que les abuseurs adultes. Les mineurs, selon Longo et Groth (1983: voir Pauzé, Mercier et al., 1994), seraient responsables de 20% de tous les viols et entre 30% et 50% des agressions sexuelles sur des enfants. LES VARIABLES ASSOCIÉES AU FAIT QUE L'ENFANT DEVIENNE AGRESSEUR: - Une victimisation sexuelle antérieure (selon Gale et al. (1988: voir Pauzé, Mercier et al., 1994) 41% des enfants agressés sexuellement affichaient des comportements sexuels inappropriés, en particulier des agressions sexuelles coercitives, comparativement à 4% des enfants agressés physiquement et à 3% des enfants non agressés.); - L'exposition à des attitudes inappropriées: victimes d'appels obscènes, exposé de façon soutenue à des pensées ou des comportements ou des activités sexuelles adultes; - Des sentiments de trahison ou perte dans la prime enfance: À l'adolescence, cela peut se traduire par un besoin de contrôler les autres en assumant le rôle de l'agresseur; - L'absence de conséquences liées à l'agression; - Les valeurs sexuelles coercitives. LES CONSÉQUENCES DE L'ABUS: Enfants
de 3 à 6 ans:
Sentiment: Conception erronée de l'agression sexuelle Confusion entre réalité et fantaisie Peur d'être puni, abandonné, rejeté Sentiment de vulnérabilité et d'impuissance Préoccupation pour le corps Peur d'être maltraité Peur de la colère des parents Culpabilité, honte Comportements: troubles déficitaire d'attention angoisse de séparation comportement régressif méfiance terreurs nocturnes masturbation compulsive comportement sexuel inapproprié agressivité Enfants
de 6 à 13 ans:
Sentiment: Colère, insécurité Peur d'être abandonné Anxiété de séparation Sentiments d'ambivalence Culpabilité et honte Confusion entre affectivité et sexualité Troubles d'identité sexuelle Comportements: socialisation avec les pairs déficiente promiscuité sexuelle agirs sexuels avec des plus jeunes manipulation manque de responsabilité et de jugement impulsivité, hyperactivité colère LE CYCLE DE TRANSFORMATION DE L'ENFANT AGRESSÉ EN AGRESSEUR: 1- le déni et la minimisation: risque d'entraîner une exploitation future et une non-reconnaissance du mal infligé aux victimes. 2- La culpabilité et la responsabilité: Pour l'abuseur: produit par la peur de se faire prendre Pour l'abusé: peur de la divulgation Les deux ont la certitude que le mal n'arrive qu'à la condition de dévoiler le secret. 3- La puissance et le contrôle: Les idées de vengeance de l'agresseur reflètent sa perception d'être victime d'un monde hostile. Par l'agression, il reprend le contrôle. 4- La colère et la vengeance: La sensation de trahison et d'impuissance amène la colère. Cependant le passage à l'acte sexuel renforce le comportement sexuel agressif ou lieu de l'inhiber. 5- L'utilisation des fantasmes et autres renforcements: C'est le pont entre la colère ressentie lors de la victimisation et la planification d'un abus sexuel. Les étapes de ce processus: Une pauvre image de soi, l'anticipation du rejet, l'isolement social, les fantaisies, la planification (colère et comportement de domination), l'agression sexuelle. IDENTIFICATION DU CADRE THÉORIQUE ET LES MÉTHODES D'ANALYSE DE DONNÉES ET/OU INSTRUMENTS DE COLLECTE DE DONNÉES: HAESEVOETS
(1996)
PSYCHODYNAMIQUE - Recherche-action PAUZÉ-MERCIER
ET AL.(1994)
PSYCHODYNAMIQUE - Banque de données - Études de la DPJ LANGEVIN-LINDSAY
(1993)
MODELE: ÉDUCATION-CROISSANCE - L'individu est considéré "comme une personne ayant besoin d'acquérir des habiletés et une compétence de fonctionnement avec les autres". (Toseland et Rive, 1984) et (Drum et Knott, 1977) MODELE: RÉCIPROCITÉ -Propose un processus d'aide au service de l'individu et du groupe, son but est la réalisation de soi par la réalisation du groupe. (Schwartz, 1971) -Grille d'évaluation individuelle -Grille d'évaluation de groupe -Grille du comportement humain Dimock (1970) cinq dimensions du dév. des groupes (climat,engagement,interaction, cohésion et productivité). -Test d'attitudes Sex Knowledge and attitude Test (SKAT) Lief et Payne (1975). DAMANT
(1993)
LA THÉORIE DES QUATRE DYNAMIQUES TRAUMATISANTES LAFOREST-PARADIS
(1990)
PSYCHODYNAMIQUE -Questionnaire (maison) -Bilan du jeune fourni par le délégué à la jeunesse -Ateliers VAN
GIJSEGHEM (1988)
PSYCHODYNAMIQUE -Grille de la relation objectale -Dossiers de 90 abuseurs LES PRINCIPES ET/OU LES RESSOURCES D'INTERVENTION SUGGÉRÉE HAESEOETS (1996) - L'auteur mentionne le besoin de prévenir l'abus sexuel par une éducation sexuelle et affective de bonne qualité comprenant l'enseignement d'une éthique relationnelle et sexuelle. Cette éducation philosophique et morale devrait, selon lui, enseigner l'esprit critique, la prise de conscience, le respect de soi et des autres, la notion d'intégrité corporelle, l'équité, la confiance, la tolérance, la loyauté, la reconnaissance, le droit, la légitimité et la justice (concepts fondamentaux à l'épanouissement personnel, familial et social. - Pour l'auteur, il est important de regarder l'anamnèse de l'enfant avant son abus afin d'y découvrir certaines carences, certains troubles ou événements contribuant à le fragiliser. Il y aurait une relation entre les indices de vulnérabilités et les moyens défensifs propres à l'enfant. Il semblerait que le processus abusif n'arrive pas à n'importe quel moment de la vie de l'enfant. PAUZÉ-MERCIER ET AL. (1994) - Un traitement pour tous les enfants ayant subi une agression sexuelle. - Un traitement obligatoire pour tous les enfants et adolescents agresseurs. - Intervenants expérimentés pour recevoir les cas de divulgation et d'évaluation. - Recherches sur le poids respectif des différents facteurs. - Mise sur pied de services spécialisés pour les enfants et adolescents agresseurs. - Établissement de protocoles d'intervention afin d'éviter le ballotement des enfants. LANGEVIN-LINDSAY (1993) - Le groupe fournit, en tant que véhicule de changement, un climat de soutien par les pairs et un cadre sécurisant d'apprentissage. De plus, le gang étant une dimension importante à l'adolescence, ceux-ci, peuvent se reconnaître à travers leurs pairs tout en leur offrant un groupe d'appartenance. - L'intervention vise trois buts, la connaissance, les attitudes et les habiletés sociales. LAFOREST-PARADIS (1990) -Mieux comprendre le problème afin de trouver une réponse au défi que pose, en tant qu'intervenants, cette question de la délinquance sexuelle chez les adolescents. - L'intervention vise le développement de comportements sexuels plus responsables et mieux adaptés à la réalité sociale, dans un contexte de soutien et favorable à l'émergence d'une identité plus positive. Trois formes d'intervention: le savoir, la connaissance (sexualité et les normes sociales en vigueur. L'éducation (le sens donné au contact sexuel, l'impact, chez autrui, de leur comportement et l'anxiété créée par l'établissement de relations interpersonnelles). La croissance personnelle (la reconnaissance, par les adolescents, de leurs besoins affectifs et sexuels, la prise de conscience de leurs difficultés interpersonnelles, l'expression de leur vécu intérieur "craintes, désirs, questionnements". VAN GIJSEGHEM (1988) - Selon le type d'abuseur, un type d'intervention donné lui convenant le mieux. Mais à la base, la réorganisation du psyché. Ce qui ne peut, selon l'auteur, être possible avec tous les types d'abuseur, car il faut au départ une capacité de mentalisation. CONCLUSION: Suite à cette recension des écrits, nous pouvons percevoir les lourdes conséquences de l'abus sexuel sur un enfant et sur son développement affectif, cognitif et social. Nous avons pu entrevoir également, un consensus assez grand, dans la description des symptômes et des causes de l'abus sexuel, entre les différents auteurs. Vu la complexité du processus, il aurait été peu probable que tous s'entendent sur la façon de "guérir" ceux et celles ayant subi une agression, et sur le changement de comportement des abuseurs sexuels. Cependant, cette recension nous a grandement aidée à mieux comprendre la nature de cette problématique, et par le fait même, sur la nature du sujet. L'utilisation d'une recension d'écrits sur la problématique des enfants abusés, nous a donné un meilleur éclairage sur la véritable problématique qui est l'adolescent abuseur sexuel. Cette incursion dans les conséquences de l'abus sur l'abusé, amène plusieurs nouveaux questionnements face au sujet. RÉFÉRENCES: Pauzé, R., Mercier, J. & al.(1994). Les agressions sexuelles à l'égard des enfants. Montréal: Éditions Saint-Martin. Laforest, S. & Paradis, R.(1990). Adolescents et délinquance sexuelle. Criminologie, 1, 95-116. Foucault, P.(1990). L'abus sexuel, l'intervention en situation d'abus sexuel. Montréal:Logiques société. Van Gijseghem, H.(1988). La personnalité de l'abuseur sexuel. Montréal:Éditions du Méridien. Haesevoets, Y.H.(1996). Symptômatologie de l'enfant victime d'inceste: signes cliniques spécifiques ou aspécifiques? L'évolution Psychiatrique, 2, 323-344. Langevin, F. & Lindsay, J.(1993). Analyse d'un programme d'éducation sexuelle administrée auprès de garçons en difficulté d'adaptation. Service social, 2, 127-141. Damant, D.(1993). La dynamique traumatisante des abus sexuels et leurs conséquences à long terme. Service social, 2, 51-61. |